Histoire :
Samsock est de retour.
Après un coma de trois ans, durant lequel il est persuadé d’avoir vécu un séjour en enfer dans un monde complètement absurde.
A peine changé par cette épreuve, Samuel, abandonné par sa copine dès ses six premiers mois de sommeil, reprit le train de la vie sans se dégonfler. Il se réappropria sa vie tranquille de fleuriste, comblé de joie par les retrouvailles faites avec son quotidien banal, la seule chose avec laquelle il entretenait finalement une relation stable et durable.
Grâce à la folie inexplicable dont il avait été victime, Samuel éprouvait de moins en moins de remords vis-à-vis de son existence. Il poussa le vice jusqu’à proposer quelques travaux à des stylistes intéressés par ses idées, ce qui lui rapporta un peu de considération et surtout pas mal d’argent. Le revenant parvint également à faire fabriquer le collier du papillon cristallin qu’il avait porté au cou durant son délire. Ce qu’il en était content.
Sans trop comprendre pourquoi, les couleurs inhabituelles sur sa tête et ses yeux qu’il aurait juré n’avoir que pendant son drôle de rêve, s’étaient accrochées à lui même après son réveil. Cela permit à Samuel de partager son incompréhension totale avec des scientifiques qui ne servaient qu’à lui donner la réplique. Malformation génétique, effets secondaires du traitement. Bassesses.
Il fût finalement relâché, après avoir subit une batterie de tests à son goût extrêmement désagréables. La vie d’après l’appela aux priorités. Récupérer la musculature que trois ans de quasi-immobilité avaient ramollie, se réapproprier sa réputation de fleuriste de qualité, et maintenir le tout jusqu’à ce qu’arrive cette envie de changement qu’il avait déjà tué dans l’œuf depuis le début de sa vie.
Tout redevint alors classique, net, propre et un peu fade. Samsock allait moyennement bien dans ce monde un peu terne. Mais l’incapacité totale de pouvoir faire partager les hallucinations poignantes que le fleuriste avait eues fit qu’il se renferma quelque peu sur lui-même. Bien qu’en fin de compte ce n’était pas très grave.
Après les évènements qu’il était convaincu d’avoir vécu, Samuel ne se préoccupait plus de grand-chose. Excepté cette boulimie qui lui donnait envie de rattraper ces années passées dans cet ailleurs sensationnel. Cette boule de feu, comme il l’appelle.
Samsock a plongé dans un monde pour se jeter dans un autre. Sauf que cette-fois ci, c’est lui qui établit les règles, c’est lui qui reprend le contrôle, et c’est si rassurant à ses yeux jaunes. Il peut se laisser aller, sans subir des attaques de monstres géants, sans se faire poursuivre par des catastrophes naturelles douées de conscience, sans penser au fait qu’il peut mourir à tout instant. Il doit cependant toujours subir la sale tête de son voisin de palier et l’insupportable chanteuse des rues qui ne cesse de polluer son atmosphère avec sa voix nasillarde. Les deux types de danger se valent selon lui. Et de toute manière son voisin a des problèmes de loyer. La lutte était bientôt gagnée.
Les choses ne pouvaient évidemment pas continuer ainsi. Sans aucun doute qu’il devait être insupportable pour l’équilibre cosmique de laisser un tel énergumène déployer des moyens si extraordinaires pour concevoir dans sa vie une telle immobilité. Aussi développées que soient ses racines, Samsock ne restait qu’une petite chose éphémère sensible au vent. Un mouvement dans son humeur l’emporta, et c’en fut de nouveau fini.
Il venait de réussir à faire passer un de ses derniers modèles de vêtement auprès d’une grande marque. Une belle réussite qui s’était jouée sur un gros pari gonflé par d’importants enjeux. Cela signifiait une bonne louche de satisfaction grasse et surtout plus de crêpes et de gaufres au chocolat achetées hors-de-prix dans la boulangerie préférée du fleuriste.
C’est devant ce bâtiment que le caprice du destin vint le cueillir. En soi ça ne dérangeait pas du tout Samsock de recevoir une superbe pièce de collection qui en plus semblait être un modèle unique. Elle allait trôner sur une étagère bien nettoyée, placée judicieusement pour faire de l’effet et être feng shui. Pas question de la vendre, car elle était belle.
Cependant quand Samuel rêva que la pièce de cavalier devenait géante et cherchait à l’écraser, il comprit aussitôt que la situation commençait à sentir le soufre. Il se doutait aussi, bien sûr, que s’il commençait à sentir l’arrivée des ennuis, il était déjà trop tard. Il fallait qu’il en soit-ainsi, sinon l’ironie n’était pas assez mordante. On n’allait pas apprendre de tels principes à un type comme lui : il était rodé avec ce qu'il était certain d'avoir vécu.
Voyant que le monde recommençait à se payer sa tête, il prit son exaspération à deux mains et se laissa balloter par les évènements. Il eut droit au forfait complet, avec l’incompréhension, la colère, et les mises en scène tout autour comprises. A ce stade ce n’était même plus de la gâterie. C’était du gavage.
« Ecoutez c’est vraiment super tout votre spectacle de sons et de lumières, avait-il annoncé aux trois masques, Mais franchement, j’ai vécu dans une boule de feu, où frappent des tempêtes faites de défenses d’éléphants, où les erreurs sont des êtres physiques avec qui on peut parler et boire une bière, et où les friandises sont des putains de carnivores capables de dévorer la matière, alors, vous faites ce que vous voulez, vous avez des moyens, c’est cool, mais moi là tout de suite, je me barre prendre l’air en ayant rien à foutre de vos problèmes d’attention. Vous avez besoin d’une thérapie, c’est triste, mais ça se soigne. Après, vous faites comme vous voulez. Salut ! »
C’était reparti pour un tour. De nouveau perdu, de nouveau en danger, de nouveau ailleurs. Toutefois, quitte à être encore paumé dans un univers insupportable et sordide, le fleuriste était décidé à bien occuper son temps. Il se fit attraper en vol par l’étrange club des Belliqueux, auquel il adhéra rapidement puisqu’ils constituaient tout ce qui pouvait possiblement nuire aux règles de ce monde en folie. Et puis il y avait le désir secret de batailler fermement contre la solitude et l’ennui, les deux spectres, terribles, qui hantaient le fleuriste.
***
Honnêtement, Samsock n’en a strictement rien à faire de cette histoire d’Echiquier, de clans, de guerres. De toute façon il n’est pas violent.
Actuellement, alors qu'il fait encore partie des recrues toutes fraiches, toute son énergie et toute son âme sont focalisées sur une seule et immense question sur cet univers, qui mettait en avant le plus sordide des problèmes.
Si dans ces lieux les belles chemises comme les siennes ne se faisaient pas, il était primordial qu’il ne s’abîme pas le costume tant qu’il était condamné à demeurer ici.
« Et puis il est hors de question que je me laisse marcher sur les pieds par ces tocards qui s’éclairent encore à la bougie ! »
Sacré Samsock.
Il a toujours le mot pour parler.